viernes, 29 de marzo de 2024

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§. 6. No hacen impostores, 137°

1°. Quel fruit peuvent-ils efpérer de la fable qu'ils ont forgée ? Ils l'annoncent euxmêmes : Jesús leur a prédit qu'ils feroient haïs,méprifés,perfécutés,mis à mottpour son nom ( a ). Un imposteur peut s'applaudir de ses fuccès,triompher d'avance,se promettre des victoires et un fort brillant s'il réusit : on n'en a point encore vu qui ait formé un projet périlleux pour le feul plaifir d'y fuccomber et d'en être la victime. 2º. Recherchent-ils quelque chofe pour eux-mêmes? Ils ne travaillent que pour la gloire de leur Maître,ils ne sont rien qu'en son nom ; ils ne s'attribuent ni les prodiges qu'ils operent,ni la doctrine qu'ils enseignent ( a ) . L'Auteur du Christianisme dé→ voilé convient que leur ambition se bornoit à gouverner les ames (b) : c'est-à-dire qu'ils confentent à demeurer pauvres,à se confumer de travaux,à facrifier leur vie,à répandre leur fang,pourvu que l'Evangile fructifie ; ils le déclarent et agisent sur ce plan ( c ). Voilà des imposteurs bien dé→ sintéresés. 3°. L'imposture est-elle compatible avec leur caractere,avec leur doctrine,avec leur conduite ? On leur reproche d'être simples,grosiers,ignorans dans les fciences humaines, ils ne s'en défendent point. Le projet de convertir l'univers entre-t-il na→ turellement dans l'esprit des hommes de cette espéce ? Ils ne prêchent que la sincérité,la droiture,la charité,la douceur la patience; ils sont mieux,ils les pratiquent notre Auteur leur rendra bientôt cette justice ( d ). Des hommes simples etsans artifice peuvent-ils être martyrs du mensonge ? Des fcélérats deviennent - ils les Apôtres de la vertu ? Conftans et intrépides,ils parlent de même parmi leurs Disciples et en présence de leurs ennemis ; ils n'évitent ni les perquifitions ni les interrogatoires : ils ne tremblent,ils ne se rétractent, ils ne se contredisent ni dans le particulier,ni quand ils sont rasemblés : ils prêchent la même chofe dans les trois parties du monde connu ; ils sont les mêmes dans leurs courses,dans leur patrie et chez les étrangers,dans les prisons et sur l'échafaut. Quel pouvoir inconnu a pu maintenir entr'eux ce concert,malgré le choc de toutes les pasions humaines ? Le systêmede l'Irréligion ne peut accorder aujourd'hui deux Philosophes : la prétendue fable du Christianisme  a réuni d'abord une centaine de Prédicateurs. 4°. L'on ne peut pas s'y prendre plus mal-adroitement pour accréditer des fables. Ce n’est pas d'abord dans les pays éloignés que les Apôtres vont publier les miracles et la réfurrection de leur maître. C'est à Jerusalem,fous les yeux même de ceux qui l'ont crucifié : ils les prennent à témoin des faits,ils ofent en attester la publicité ; ils n'attendent point dix ou vingt ans après l'événement ; ils prêchent cinquante jours après la mort de JESUCRISTO au moment même où le concours du peuple à Jerusalem est plus nombreux,où les témoins rasemblés des disérens quartiers de la Judée se trouvent réunis. Ils sont écoutés,ils perfuadent ; huit mille hommes se trouvent Chrétiens après deux prédications. Une imposture que l'on peut démentir sur le champ, contre laquel Îe une ville entiere est en état de dépofer,peut-elle dans cette ville même fasciner l'esprit de huit mille hommes en peu de jours ? 5°. Si les Apôtres sont des imposteurs,la conduite des Juifs est un phénomene inexplicable. Comment le Conseil de Jerusalem,si animé et si furieux contre leMaître,a-t-il été si patient envers les Disciples ? It étoit important pour ces Magistrats de juftifier leur conduite à l'égard de J.C. d'empê cher la prédication des Apôtres,de publier dans tout l'univers la vérité des faits,d'envoyer dans les Synagogues,et fur-tout à Rome, des informations bien circonftanciées etbien authentiques de la vie,de la fause doctrine des crimes vrais ou fuppofés de JESUCRISTO des prestiges par lefquels il avoit féduit le peuple,de la fauseré de fa résurrection,de l'audace et de l'imposture de ses Disciples. Ces Pharisiens si zélés,ces Prêtres si jaloux demeurent dans l'inaction. Au lieu de consondre publiquement les nouveaux imposteurs,ils se contentent de les emprisonner pour quelques jours,de leur faire des menaces ; ils ne détrompent personne. Dans prefque toutes les villes où S. Paul va porter l'Evangile,il se fait des prosélytes parmi les chefs mêmes de Synagogues. Que la force de la vérité ait fermé la bouche et lié les mains au Conseil des Juifs,il n'y a rien là de merveilleux ; mais qu'il ait vu si tranquillement profpérer l'imposture, voilà ce qu'on ne comprendra jamais. ? Qu'on nous permette de le répéter : nos adversaires rejettent avec dédain les miracles de J.C. et des Apôtres, parce qu'ils dérogent aux loix physiques de l'univers et ils admettent sans héfiter des prodiges plus incroyables contre l'ordre moral,qui n’est pas moins l'ordre de la nature. C'est ainfi qu'ils sont d'accord avec euxmêmes.

 

§. 7. Confesiones importantes de sus enemigos, 141

En fecond lieu les Disciples deJESUCRISTO sontils les feuls qui rendent témoignage à ses miracles,comme l'Auteur le fuppofe,pour. les accuser d'imposture ? Les Juifs,malgré leur intérêt à les contester,en conviennent dans les Livres mêmes qu'ils ont écrits contre JESUCRISTO et que nos Critiques ont cités. Les uns ont dit qu'il les avoit opérés par la magie qu'il avoit apprife en Egypte,les autres par la prononciation du nom inesable de Dieu. Les Auteurs Payens, ennemis et ca lomniateurs du Christianisme ,ont fait le même aveu dans leurs Livres ; nous l'avons prouvé dans un autre Ouvrage ( a). Nous avons fait voir que la feule force de la vérité a pu leur arracher cette confesion. Les anciens hérétiques,prefque contemporains des Apôtres,appliqués à contredire leur doctrine,encore à portée de vérifier les faits,ont fuppofé la réalité des miracles et de la réfurrection de JESUCRISTO malgré l'intérêt de leur systême; nous avons produit leurs aveux (b). Ces fectaires n'étoient pas des ignorans,incapables d'examen ; c'étoit des Philosophes payens mal convertis,qui avoient l'ambitionde se faire des Disciples,d'être à la tête d'un parti. Là-desus nous demandons à nos Cenfeurs: des faits publics et palpables,fouvent réitérés,publiés sur les lieux et dans le temps même où ils ont dû arriver, par des témoins oculaires,qui n'ont pu avoir aucun intérêt vraisemblable de les inventer,et qui les ont foutenus jufqu'à la mort ; avoués par des ennemis déclarés,Juifs payens,hérétiques,et qui avoient tous le plus grand intérêt de les contester,peuventils être des impostures ? Nous invitons, nous prions,nous conjurons Msles Philo fophes de nous donner des régles de critique plus justes,plus certaines,plus infail- libles,pour difcerner le vrai d'avec le faux. Cet aveu des Auteurs payens est fort incommode ; l'Auteur des Lettres sur les Miracles a fait tout son posible pour l'éluder Il dit que si quelques mauvais Philosophes,» en difputant contre les Chrétiens,con- »vinrent des miracles de Jesús,c'étoient » des Théurgites fanatiques,qui croyoient »à la magie,qui ne regardoient Jesús que » commeun Magicien,et qui,infatués des » faux prodiges d'Apollonius,de Tyane »et de tant d'autres,admettoient ausi les faux prodiges de Jesús : que l'aveu d'un »fou fait à un autre fou,une abfurdité dite » à des gens abfurdes,, ne sont pas des preu- »ves pour les esprits bien faits. Il prétend - »que jamais les vrais Philosophes Grecs et Romains n'accorderent aux Chrétiens »leurs miracles ; qu'ils leur difoient feule→ » ment,si vous vous vantez de vos prodi » ges,nos Dieux en ont fait cent fois da- > vantage..... vos prestiges ne sont qu'une foible imitation des nôtres ; nous avons » été les premiers Charlatans,et vous les » derniers. C'est-là,felon lui,le résultat de » toutes les difputes des Payens et des Chrétiens « (a). L'expédient est des mieux imaginés ; c'est dommage qu'il nous replonge dans d'autres disicultés . 1º. Il est fâcheux de voir les plus célé→ bres ennemis du Christianisme ,Julien Celse,Porphyre,Hiéroclés,traités de mauvais Philosophes, de Théurgites fanatiques,de fous,de gens qui difoient des abfurdités. Julien,fur-tout,le plus grand homme qui ait peut- être jamais été,au jugement de Bolingbroke,dont l'esprit fublime avoit embrassé la fublime idée de Platon (b), ne devoit-il pas être un peu plus ménagé pour l'honneur de la Philosophie ? Nous fçavons bien qu'il étoit Théurgite fanatique et le reste ; mais ses Panégyriftes,fes fucceseurs,les héritiers de fa haine contre le Christianisme,n'ont pas bonne grace de le dire. 2º. Celse,Epicurien par fyftême,ne croyoit ni à la théurgie ni à la magie ; c'é→ toit donc un vrai Philosophe. Or nous avons montré par ses propres paroles,qu'à la réferve de la réfurrection de JESUCRISTO dont il n'a jamais voulu convenir, il n'a point contesté les autres miracles ( c ). 3°. Les vrais Philosophes,felon nos Cenfeurs,sont ceux qui,perfuadés de 145 l'imposibilité des miracles,les regardent tous comme des prestiges et des tours de Charlatan ; mais un vrai Philosophe peutil fuppofer avec vraisemblance que JESUCRISTO et ses Apôtres,Juifs grosiers,sanslettres etsans culture,ayent été des fourbes asez ha biles,des imposteurs asez déliés,pour duper le monde entier ? Des Charlatans peuvent employer les prestiges pour se faire une vaine réputation,pour gagner de l'argent, pour mener une vie licencieuse et vagabonde que Jesúset ses Apôtres en ayent fait usage pour instruire les hommes, pour les porter à la vertu,pour faire adorer Dieu, sans aucun avantage pour euxmêmes,aux dépens de leur repos et de leur vie : nous osons le demander auxvrais Philosophes ce prodige ne feroit-il pas plus singulier,plus incroyable,plus contraire à la nature que les miracles mêmes ? Que l'idolâtrie se foit établie par des imposturés,cela est dans l'ordre naturel ; que le Christianisme  ait la même fource,cela n'y est plus. 4. Parlons plus fenfément ; qui sont les vrais Philosophes sur le fait des miracles ? Ceux qui ont raisonné et agi conféquemment, qui,perfuadés de la puiflance,de la sagese et de la bonté de Dieu,ont compris qu'il étoit indigne de fa providence de permettre qu'une Religion ausi fainte que le Christianisme  fût sondée sur des prestiges et prêchée par des imposteurs : que si mais les miracles ont été posibles,conve nables,nécesaires,c'étoit évidemment dans cette circonftance,où il s'agisoit de faire tomber l'idolâtrie,d'instruireet de réfor mer l'univers. Ils ont jugé que les guérisons de maladies,les réfurrections de morts opérées fous leurs yeux,non par des Charlatans,mais par des Saints ; non par oftentation,mais par charité ; non pour amuser le peuple,mais pour l'instruire,étoient de vrais miracles,et non pas des prestiges ; ils y ont cru,ils ont embrasé le Christianif me,ils l'ont profesé jufqu'à la mort. Voilà les feuls Philosophes dignes d'être écoutés ; tous les autres,foit anciens,foit modernes,sont de vains difcoureurs.

 

§. 8. La incredulidad de los judíos no prueba nada contra nosotros. 146

Selon l'Auteur du Christianisme  dévoi Jé,le feul prodige dont Jesús fut incapable fut de convaincre les Juifs,qui loin d'être touchés defes œuvres bienfaifantes et merveilleufes,le sirent mourir par un fupplice infame (a).

Cette objection,déja faite autrefois par l'Empereur Julien,doit paroître souverainement ridicule fous la plume de notre Critique. 1°. Après avoir déclamé contre le fanatisme,l'aveuglement,l'opiniâtreté des Juifs,contre la vaine espérance dont ils se flattoient de voir paroître un Monarque puisant,un Mesie triomphant pour les délivrer,comment peut-il être étonné que JESUCRISTO avec tous ses miracles et toutes ses vertus,ne foit pas venu à bout de détromper toute la Nation ? Un feul Juif converti par un Mesie pauvre,est un prodige ; l'incrédulité du plus grand nombre,et furtout des chefs de la Nation,ne peut furprendre personne. 2°. Les Philosophes,en général,ne veu lent point demiracles pour appuyer une doc trine qu'ils ne peuvent goûter ; ces miracles fusent-ils cent fois plus évidens et mieux prouvés,leur incrédulité est toujours la même : si les Juifs ont pensé comme eux,les miracles de JESUCRISTO étoient-ils capables de les convertir? 3°. Il est faux que JESUCRISTO n'ait touché ni convaincu aucun Juif. Il eut,outre 12 Apôtres et 72 Disciples déclarés,un trèsgrand nombre de Sectateurs publics etsecrets,quoiqu'ils,ne fusent pas attachés à le fuivre comme les précédens. Ses Apôtres convertirent d'abord plufieurs milliers de Juifs,et le nombre en augmenta de jour en jour. Il fut condamné et mis à mort par les chefs de la Nation,intéressés à étouser fa doctrine par un faux zéle de Religion ; mais la Judée étoit pleine de gens convaincus de la fainteté et des miracles de JESUCRISTO et qui le reconnoisoient pour le Mesie et lefils de Dieu. Ce ne peut être que la crainte d'un foulevement général,jointe à l'évidence des faits,qui empêcha les Juifs de févir contre ses Apôtres aufli violemment que contre lui. 4. Enfin il étoit prédit dans les Livres des Juifs,que le Mesie feroit rejetté par . les siens ( a ) ; que ses miracles feroient attribués à la magie par les méchans,qu'il feroit mis à mort et qu'il resufciteroit. Cet te tradition fubfifte encore dans les Livres de leurs Docteurs ( b). Si toutes ces chofes sont arrivées comme elles étoient prédites,l'incrédulité des principaux Juifs n’est plus une objection contre nous,c'est une preuve contre nos adversaires.

 

§. 9. La resurrección de Jesucristo fue pública,

Ils se réunisent pour nous objecter que .C. est mort à la vûe de tout Jerusalem au lieu que ses Disciples asurent qu'il est resuscité secrettement ; il a été visiblepoureux feuls,et invifible pour la Nation qu'il étoit venu éclairer et amener à fa doctrine (a) . Il est faux que JESUCRISTO foit resuscitésecrettement ; il est resuscité à la vûe des foldats qui gardoient son tombeau,et il s’est fait voir à plus de 500 Disciples raflemblés (b) ; il a converfé familiérement aved eux pendant 40 jours. Il n'a point été invifible pour toute la Nation,puifque cette multitude de Disciples en faifoit partie, et ce nombre étoit plus que fusifant pour en convaincre tous les esprits droits. Il n’est pas question de fçavoir si JESUCRISTO a pu prouver fa réfurrection d'une maniere encore plus éclatante et plus invincible,mais s'il l'a prouvée fusifamment pour persuader tout hommeraisonnable,et nous foutenons qu'il l'a fait ( c ). Quand JESUCRISTO se feroit fait voir à tout Jerusalem en plein jour,nos adversaires diroient encore,comme ils le difent déja,que cette preuve a pu fusire pour ceux qui l'ont vu, mais qu'elle ne fusit pas pour nous qui ne l'avons pas vu.

JESUCRISTO est mort à la vûe de tout Jerusalem ; mais est-il  mort comme un homme ordinaire ? Les paroles qu'il prononça sur la Croix,le cri qu'il jetta immédiatement avant que d'expirer,la terre ébranlée,le foleil éclipfé,les tombeaux ouverts,l'apparition des morts,étoient-ils des prodiges trop foibles pour toucher des hommes capables d'ouvrir les yeux à la lumiere ? L'Osicier Romain,préfent sur le Calvaire,en fut esrayé,et confesa la divinité de J.C. Plufieurs s'en retournerent frappant leur poitrine et touchés de repentir ( a). Ceux qui perfévérerent dans leur aveuglement,méritoient-ils d'être témoins de la réfurrection de JESUCRISTO et de voir de nouveaux miracles ? Le principe de nos Philosophes est singulier : plus un homme est entêté et opiniâtre,plus il réfifte à la vérité connue,plus il se rend indigne des graces du Ciel,et plus Dieu doit faire de prodiges pour le forcer à croire. La Puisance divine. est-elle doncà la discrétion des infenfés ? On est étonné de l'incrédulité des Juifs ; ils n'ont pas cru,parce qu'ils étoient Philosophes.

 

§. 10. Nuestros dogmas no son prestados de otras Naciones,

Reconnoîtra-t-on le Christianisme au portrait qu'en a tracé l'Auteur qui prétend le dévoiler ? Les Disciples de JESUCRISTO àforce d'accumuler des superstitions,d'imaginer des impostures,deforger des dogmes,d'entaser des myfteres, ont peu-à-peuformé un systeme informe et découfu qui a été appellé le Chrif tianifme (a). C'est son propre systêmequi est informe et découfu,plein de contradictions et d'abfurdités : déja nous les avons mises en évidence,et on les fentira encore mieux par la suite. Les Disciples de JESUCRISTO n'ont point inventé de superstitions ; ils ont au contraire déraciné les anciennes,au grand dépit de la Philosophie qui les avoit accréditées. Ils n'ont point imaginé d'impostures,ils n'en avoient ni la volonté ni le pouvoir ; et s'ils avoient ofé tromper, la fourberie auroit été découverte sur le champ. Ils n'ont point forgé de dogmes,ils n'étoient pas asez habiles ; ils ont reçu leur doctrine d'un Maître envoyé de Dieu,et plus sage que tous les Docteurs de l'univers. On prétend que les Juifs et les Chrétiens qui leur ont fuccédé,ont puisé la plûpart de leurs notions chez les Payens,chez les Egyptiens,chez les Phéniciens,chez les Mages et chez les Perfes,chez les Grecs et les Romains (a ). Cette fuppofition est di- rectement contradictoire avec ce que l'on a écrit dans le chapitre précédent,que les Juifs eurent toujours la haine la plus envenimée contre les Dieux des autres Nations etcontre ceux qui les adoroient,que la loi de Moisés leurfit détester dans le cœur toutes les Nations auxquelles ils furent fuccesivement foumis. Les Juifs ont-ils pu emprun ter leurs idées religieufes des Nations dont ils détestoient les Dieux et le culte,et qu'ils haïsoient dans le cœur ? La contradiction fera encore plus palpable dans le chapitre fuivant,où l'Auteur s'esorcera de prouver que les Juifs ont eu de Dieu des idées bizarres et entiérement disérentes de celles des autres Nations ; que la Théologie Chrétienne ne resemble en rien à la Mythologie des Payens. Voilà comme nos habiles Ecrivains sont conftans dans leurs principes. Quand ils neprendroient pas la peine de se réfuter eux-mêmes,la fauseté de la fuppofition ne feroit pas moins évidente. Les Payens adoroient plufieurs Dieux,les Juifs n'en reconnoisoient qu'un feul ; les Payens étoient infatués de l'idolâtrie,les Juifs l'avoient en horreur. Les premiers admettoient communément la fatalité abfolue,les feconds crurent toujours la providence de Dieu et la liberté de l'homme. On fuppofoit dans le Paganisme des récompenfes corporelles et fenfibles après la mort,JesúsChrist nous a enseigné que la vie à venir fera purement fpirituelle . Sa morale est infiniment fupérieure à celle des Payens comment la Religion qu'il nous a enseignée peut-elle être entée sur le Paganisme. On reproche encore aux premiers Chrétiens d'avoir emprunté plufieurs idées de la Philosophie de Platon. Cette accusation si elle étoit vraie,feroit honneur à leur difcernement. De tous les Philosophes anciens,Platon a été le plus raisonnable. Cicéron,bon Juge en cette matiere,ne eraint point d'appeller Platon,non-feulement le Prince,mais le Dieu des Philosophes ( a ). A Dieu ne plaife cependant que nous foyons redevables d'aucun des dogmes de notre Religion à la vaine Philosophie des Grecs. J.C. ne l'a jamais confultée; il avoit puifé fa doctrine dans une fourceplus pure ele est trop sublime et trop par- faite pour être l'ouvrage des hommes. Ses Disciples n'ont point eu d'autre Maître que Jui ; et les Chrétiens,pour fçavoir ce qu'ils doivent croire,n'ont jamais étudié d'autre Livre que l'Ecriture Sainte ( a ).

 

§. 11. Doctrina de San Pablo,

Nos Critiques regardent S. Paul comme le vrai sondateur de notre Religion ; sans lui, dit l'Auteur du Christianisme dévoilé, elle n'auroit pu s'étendre,par le défaut de lumiere defes ignorans collègues. Cet Apôtre porta fa doctrine asaisonnée de fublime et de merveilleux aux peuples de la Gréce de Afie,et même aux habitans de Rome; il eut des Sectateurs,parce que tout homme qui parle à l'imagination des hommes grosiers,les mettra dans ses intérêts ( b ). · Il y a feulement trois fausetés dans cette ailégation. La premiere, que sans les travaux de S. Paul,la Religion n'auroit pu s'étendre : cet Apôtre n'a point prêché dans P'Egypte,dans l'Afrique, dans la Perfe,dans les Indes,dans les Gaules : le Christianisme  s'y est néanmoins établi comme ail leurs,dès les premiers siécles. La feconde,que les collégues de S. Paul ayent été des ignorans ; ils l'étoient lorfque JESUCRISTO les prit à fa suite ; à cette école divine,et par la defcente du S. Esprit,ils devinrent plus habiles que tous les sages de l'univers. Les écrits de S. Pierre,de S. Jean,de S. Jacques,de S. Jude,ne refpirent que la sagese et l'intelligence des chofes de Dieu. Il est étonnant sans doute que ces hommes si peu verfés dans les fciences humaines,ayent mieux réusi à éclairer les hommes que toutes les pompeufes écoles de la Gréce. La troifiéme, que S. Paul ait parlé à l'imagination des hommes grosiers,pour les mettre dans ses intérêts. Nos dogmes,nos myfteres,nos espérances,ne parlent point à l'imagination,ils la révoltent plutôt. C'est . le Paganisme qui parloit à l'imagination des hommes. Comment une doctrine que l'on dit asaisonnée defublime et de merveilleux,peut-elle plaire à ceux qui ne la comprennent point? Il femble que nos adversaires s'étudient à écrire des abfurdités. Il est encore plus faux que S. Paul se soit féparé des autres Apôtres,pour être chefde fa Secte ( a ). Les écrits de S. Paul ne contiennent aucun dogme contraire à la doc trine des autres Apôtres : il déclare lui-même qu'il étoit allé exprès à Jerusalem,pour conférer avec eux, et voir sison Evangile étoit disérent du leur ( a ) . S. Pierre,loin d'accuser cet Apôtre d'annoncer une doctrine particuliere,loue fa sagese,et l'appelle son très-cher frere ( b). C'est une preuve pitoyable d'alléguer feulement le reproche que les Ebionites faifoient à S. Paul : il est faux que cet Apôtre ait eu sur la Loi de Moisés unfentiment disérent de ses collégues. On fçait que les Ebionites étoient des Juifs à demi- Chrétiens qui s'étoient infatués de la perpétuité prétendue de la Loi de Moisés,qui vouloient y foumettre les Payens convertis ; erreur qui fut condamnée,non- feulement par S. Paul,mais par tous les Apôtres asemblés au Concile de Jerusalem (c ). Enfin c'est une vaine imagination de dire que les Ebionites qui rejettoient Saint Paul,étoient les premiers Chrétiens ; nous convenons que le nom d'Ebionites ou de Pauvres, fut donné par les Juifs à ceux d'entr'eux qui embraserent le Christianisme  : mais il n’est pas moins certain que ce nom n'est demeuré qu'à ceux qui s'obstinerent à conferver le Judaïfme avec la foi en JESUCRISTO L'Auteur du Christianisme  dévoilé,qui a citéle second Livre d'Origene contre Celse,n'avoit qu'à confulter le cinquiéme ( a),il y auroit reconnu son erreur ; et s'il avoit lu avec plus d'attention Eufebe qu'il nous oppofe encore,il y auroit trouvé précisé mentle contraire de ce qu'il lui fait dire (b).

 

§. 12. Apología por su conducta, 151 154 157

Trouverons - nous plus de sondement dans les reproches que fait à S. Paul l'Auteur de l'Examen important ? Iis sont copiés fort exactement dans le Dictionnaire Philosophique ( c ) . 1° . S. Paul écrit aux Juifs de Rome ; la circoncifion vous est profitable,si vous obfervez la loi ( d ) ; et il dit aux Galates ; si vous vous faites circoncire, JESUCRISTO ne vous servira de rien ( e ) ; ensuite il fait circoncire sonDisciple Timo thée. Avecun peu d'attention,il est aifé de juftifier cet Apôtre. Il recommande aux Juifs la circoncifion et la pratique de la loi, comme utiles pour eux,même après la publication de l'Evangile,quoique le falut n'y fût plus attaché,mais à la foi en JESUCRISTO En conféquence il se purifie dans le Temple,il fait circoncire sonDisciple Timothée,parce qu'il étoitfils d'une Juive,quoique son pere fût Payen ( a ),pour montrer aux Juifs qu'il n'étoit point ennemi de la Loi de Moisés, comme on l'en accufoit. Dix ans après (b),( la date est ici esentielle ) lorfque les Juifs se furent obstinés à foutenir la nécesité de la circoncifion ; même pour les Payens,malgré la décision des Apôtres au Concile de Jerusalem,S. Paul écrit aux Galates,qui n'étoient Juifs,ques'ils se sont circoncire,JESUCRISTO ne leur servira de rien ; parce qu'en voulant ajouter la circoncifion à la foi en JESUCRISTO c'étoit reconnoître que la foi en JESUCRISTO ne fusifoit pas pour être fauvé; ce qui étoit une erreur. Saint Paul a donc enseigné par ses écrits et par fa conduite,que la circoncifion n'étoit pas défendue aux Juifs,mais qu'elle étoit inutile aux Gentils ; et c'étoit la doctrine de tous les Apôtres. pas 2º. Saint Paul dit aux Corinthiens, qu'il avoit droit d'être nourri á leurs dépens ( a); mais il atteste en même temps qu'il n'a jamais ufé de ce droit,qu'il a toujours fubfifte par le travail de ses mains,pour n'être à charge à personne (b). Il parle des freres du Seigneur,mais on fçait asez quefrere, dans le ftyle des Juifs,signifie fouvent coufin-germain. 3°. Il montre de la jaloufie contre les autres Apôtres,et il veut l'emporter sur eux. C'est une fause accufation : il se juftifie feulement contre ceux qui vouloient rabaiser etavilir son Apoftolat. 4°. Il dit qu'il a été ravi au troifiéme ciel, et on ne fçait ce que c'est que ce troifiéme ciel. Quand on ne fçauroit pas ce que c'est,on n’est pas autorifé pour cela à traiter Saint Paul d'imposteur et d'impudent ( c). Ce style emporté et grosier n'est jamais excufable. Le troifiéme ciel est le ciel le plus élevé,ou le lieu le plus haut du ciel : l'expresion est très-intelligible. 5. S. Paul ofe dire qu'il est Citoyen Romain, et aucun Juif ne fut Citoyen Romain que fous les Decius et les Philippes ; nouvelle fauseté. On fçait que le droit de Bourgeoisie Romaine se donnoit non-feulement aux villes,mais encore aux particuliers,non-feulement par récompense,mais encore pour de l'argent,et que l'Empereur Claude le vendoit à très-vil prix ( a ) ; et il n'y avoit aucune loi qui en exclût les Juifs. Le pere ou l'ayeul de S. Paul pouvoit donc l'avoir mérité ou acheté : dans l'un et l'autre cas,S. Paul avoit raison de dire qu'il étoit Citoyen Romain par le droit de fa naissance. 6°. S.Paul fut élevé aux pieds de Gamaliel ( b ) ; cela signifie donc qu'il étoit son domestique. Mauvaise conféquence. Cela signifie qu'il étoit sonDisciple,et c'est l'expresion dont se fervoient les Juifs. Peu importe que ceux-ci ayent forgé une fable sur les motifs de la converfion de S. Paul,et qu'ils lui ayent attribué une sigure ignoble. Le zéle et les travaux de cet Apôtre prouvent asez que fa converfion fut sincere et miraculeuse : le mérite d'un homme ne dépend point de fa sigure. 7°. Peut-on se persuader qu'une lumiere céleste ait fait tomber de cheval Saul en plein midi,etc ?, L’Histoire Sainte ne dit point que S. Paul foit tombé de cheval ; elle infinue au contraire qu'il étoit à pied,puifque ses camarades furent obligés de le conduire par la main ( a). Mais à quoi bon ce miracle,pour faire ceser la perfécution de Paul,puifque les Chrétiens furent également perfécutés dans la suite ? Le miracle ne fut point opérépour faire ceser la perfécution,mais pour chan ger un perfécuteur en Apôtre,et le rendre plus propre par-là même à persuader les autres. L'événement a fait voir l'utilité du miracle. 8°. S. Paul écrit aux Corinthiens qu'il ne pardonnera ni à ceux qui ont péché, ni à tous les autres : il vouloit donc consondre les innocens avec les coupables. La citation n’est pas sidéle. Il leur dit qu'il ne pardonnera point à ceux qui ont péché autrefois,ni à tous les autres,qui ont péché plus récemment ; il fusit de lire le pasage pour y appercevoir ce sens (b).. 9°. Il dit aux Thesaloniciens : je ne permets point auxfemmes de parler dans l'Eglife ; et dans la même Epître,il annonce qu'elles doivent parler et prophétifer avec un voile (c ). Nos Cenfeurs de l'Ecriture ne la lifent qu'en fommeillant,et ils nous donnent leurs rêves pour la doctrine des Apôtres. C'est aux Corinthiens que Saint Paul écrit,quand il ordonne aux femmes deprier et deprophétifer avec un voile ( a ). Et c'est dans la même Epître qu'il leur, défend de parler dans l'Eglife,pour enfeigner ou pour interroger ceux qui inftruisent ( b ). Il n'y a point-là de contradiction : on fçait que prophétifer signifie quelquefois louer Dieu. Dans tous les reproches auxquels nous venons de répondre,y en a-t-il un feul qui ait l'ombre de folidité,et qui puise juftifier l'emportement de nos adversaires ? Qu'ils raisonnent de travers,c'est le privilége des Philosophes ; mais qu'ils violent toutes les régles de la décence et de la politese,cela n'est pardonnable à personne.

 

§. 13. El establecimiento del cristianismo es antinatural, 1621

Envain l'Auteur du Christianisme  dévoilé fait tous ses esorts pour trouver des raisons naturelles de la propagation du Christianisme ; celles qu'il a imaginées,démontrent au contraire que cet établisement est un prodige de la Puisance divine. En voulant déprimer notre Religion,il en fait le plus bel éloge : nous n'aurons befoin que de ses propres paroles pour le réfuter. II part du principe,que le Christianisme  ne fut embrasé que par les Pauvres,par les hommes les plus abjects d'entre les Juifs etles Payens. Nous avons déja relevé cette fauseté, etil va nous fournir des preuves du contraire. 20 39 30 » Un Dieu infortuné,dit-il,victime > innocente de la méchanceté,ennemi des > riches et des grands,dût être un objet » confolant pour des malheureux. Des » mœurs aufteres,le mépris des richeses,» les foins défintéresés en apparence des » premiers Prédicateurs de l'Evangile,dont » l'ambition se bornoit à gouverner les amés,l'égalité que la Religion mettoit entre les hommes,la communauté de biens,les fecours mutuels que se prê- »toient les membres de cette Secte,furent des objets très-propres à exciter les defirs des pauvres, et à multiplier les Chrétiens. »L'union,la concorde,l'asection réciproque, continuellement recommandées aux premiers Chrétiens,dûrent féduire des »ames honnêtes ; la foumision aux Puisan- » ces,la patience dans les fousrances,l'indigence et l'obfcurité,sirent regarder la » Secte naisante comme peu dangereufe » dans un Gouvernement accoutumé à to- » lérer toutes sortes de Sectes « ( a ). L'Auteur ajoute dans une note,que la Religion Chrétienne dût fur-tout plaire aux > efclaves qui étoient exclus des choses fa- » crées,et que l'on regardoit à peine comme des hommes ; elle leur perfuada qu'ils auroient leur tour un jour,et que dans l'autre vie ils feroient plus heureux que »leurs Maîtres.

Comptons d'abord,s'il est posible,les contradictions. 1 °. On nous asure,on nous répéte à tout moment que le Christianisme  ne fut embrasé d'abord que par les gens du peuple, par les plus abjects d'entre les Juifs et les Payens ; et en même temps on nous apprend que l'on vit régner parmi les sidéles le mépris des richeses,la communauté des biens,l'égalité,les fecours mutuels. S'ils étoient tous des pauvres et des hommes abjects,quelle communauté de biens,quels fecours mutuels pouvoient-ils se prê- ter ? Avoient-ils befoin d'établir entr'eux l'égalité qui y étoit déja ? Dès que les pauvres étoient fecourus,il falloit donc qu'il y eût des riches. 2°. L'Auteur nous a dépeint S. Paul comme le plus ambitieux etle plus enthoufiafte des Disciples de Jesús ici il reconnoît que l'ambition des premiers Prédica teurs de l'Evangile se bornoit à gouverner les ames. Admirable ambition qui les a portés à se facrifier pour le falut des ames, sans en efpérer aucun avantage tempore!! Puise cette ambition toujours regner sur la terre ! 3°. Il convient que des mœurs aufteres,la charité,la concorde des premiers Chré→ tiens dûrent féduire des ames honnêtes : et bientôt il nous dira que les Chrétiens,en adoptant le Dieu terrible des Juifs,ont encore enchéri sur fa cruauté,qu'ils le repréfentent comme le tyran le plus infenfé,le plus fourbe,le plus cruel que l'esprit humain puise concevoir ( a ). Des ames honnêtes ont-elles jamais pu se réfoudre à croire un Dieu femblable,à profeser une pareille Religion? 4°. Il ne porte pas un jugement plus favorable de la morale Chrétienne ; felon lui elle est incertaine,outrée,impraticable,fanatique,nuifible à la société. Des ames honnêtes,loin d'être féduites par une telle morale,ont dû en être révoltées et en avoir horreur.

 

 

§. 14. Confesiones del Autor a favor de los primeros cristianos, 165

Mais en faveur du portrait que l'Auteur a tracé du Christianisme  naisant,paflonslui ses contradictions ; au moins une foisdans son Ouvrage il lui a rendu justice. Cette Religion fainte,don précieux d'un Dieu sageet bon,a été apportée sur la terre pour la confolation des malheureux,des pauvres,des efclaves,de tous ceux qui fousrent ; c'est-à-dire,des trois quarts du genre humain. Elle s’est établie par des mœurs aufteres,par le mépris des richeses,par la charité, par les fecours mutuels,par la concorde, par la foumision aux Puisances,par la patience dans les fousrances. C'est par ces vertus qu'elle aféduit les ames honnêtes : elle ne pouvoit en féduire d'autres. Que les Philosophes ne nous féduifent-ils ainfi pour nous faire goûter leur doctrine? Voilà sans doute l'apologie complette du Christianisme  contre toutes les infultes deses ennemis anciens et modernes. Admirons à présent le prodige. De qui la Providence s’est- elle fervie pour opérer cette heureuse révolution sur la terre ? D'une poignée de Juifs imposteurs ou féduits,ambitieux, enthoufiaftes ; et ces malheureux,dignes d'être enfermés,ont fait ce que les Philosophes les plus sages et les plus vantés n'avoient pas feulement ofé tenter; ils ont inftruit et fanctifié les hommes. Est-ce par la sagese de leur doctrine qu'ils ont gagné les esprits ? Non,ils ont prêché des mysteres abfurdes,empruntés des Egyptiens,des Indiens,des Grecs ; un Dieu barbare,cruel,fourbe,infenfé,quife vange avec rage etsans mefure pendant toute l'éternité: et ces dogmes asreux,capables de révolter tous les hommes ou de les faire tomber en démence,ont banni les erreurs et les vices dont le Paganisme avoit infecté toutes les Nations. C'est donc par la fainteté de leur morale ? encore moins ; elle est chancelante,incertaine,outrée,impraticable,plus nuifible qu'avantageufe au genre humain et à la société. Cette morale,qui auroit dû n'enfanter que des crimes,a éta→ bli sur la terre le regne de la vertu. Voilà le tisu de rêveries et d'abfurdités que l'on nous donne pour l’Histoire abrégée du Christianisme  ; c'est ainfi qu'on parvient à le dévoiler. Bénisons la Providencede la maniere dont elle fait fortir la vérité de la bouche même de nos ennemis..

 

§. 15. El cristianismo no es tolerado, 167

L'Auteur du Christianisme  dévoilé nous apprend que cette Religion s’est établie à la faveur d'un Gouvernement accoutumé à tolérer toutes sortes de Sectes ( a) . Celui de l'Examen important soutient de même qu'on regarda les Chrétiens comme unefecte des Juifs,et les Juifs étoient tolérés : aucun Ecrivain ne parle d'eux ; et si Tacite en veut bien dire un mot,c'est en les consondant avec les Juifs (a) Ou ces Mesieurs sont fort mal inftruits,ouils se sont un jeu de tromper les lecteurs. Par une ancienne loi Romaine,il étoit défendu d'adorer des Dieux particuliers,des Dieux nouveaux,des Dieux étrangers à moins que leur culte n'eût été admis par autorité publique ( b ). 3 Un des Conseils que Mécenas donnoit à 'Augufte,étoit de contraindre tout le monde å honorer les Dieux de l'Empire,de punir par desfupplices les Auteurs des Religions étrangeres,afin de prévenir les con jurations et les sociétés particulieres ( c),Cet avis fut exactement suivi. Tacite raconte que fous Neron,c'està- dire,trente ans feulement après la mort de JESUCRISTO on sit à Rome une fanglante exécution des Chrétiens ; et ses paroles sont remarquables. » Néron,dit-il,sit périr par » d'asreux fupplices ceux que le peuple appelloit Chrétiens,gens détestés leurs pour crimes. L'Auteur de cette Secte est 50 » Christ,qui sous le regne de Tibere fut puni de mort par Ponce Pilate,Gou- verneur de Judée ; cette superstition dan gereuse,réprimée jufqu'alors,reparoisoit de nouveau,non-feulement dans la Judée où elle avoit pris naisance,mais encore à Rome .... La multitude de ses 30 Sectateurs ne fut pas tant convaincue du crime d'incendie,dont on les accufoit,»que de la haine du genre humain « ( a ). Nous aurons encore occafion ailleurs d'inLifter sur ce pasage. Il en réfulte,1 ° . que déja fous Néron les Chrétiens n'étoient point consondus avec les Juifs,et qu'ils ne jouisoient point de la tolérance accordée à ces derniers ; 2°. qu'ils étoient en horreur aux Payens, et qu'on les chargeoit de tous les crimes ; 3 °. qu'avant ce temps-là même,on les avoit déja réprimés pour leur Religion ; qu'ainfi ils ont été haïs et perfécutés dès leur naisance. D Suétone dit de même,que fous Néron l'on punit de divers fupplices les Chrétiens, efpéce d'hommes d'une fupersti- » tion nouvelle et pernicieuse « (b) . Si on les avoit consondus avec les Juifs,auroiton regardé leur Religion comme nouvelle ?

Malgré ce fait authentiquement prouvé,on ne cese d'écrire que les Romains étoient rolérans par principes ; que les Empereurs Romains n'ont jamais été perfécuteurs ; que le Christianisme s’est établi par la liberté de penfer,et par la tolérance accordée aux Juifs ; que s'ils ont été perfécutés fous Dioclétien,ce fut pour des raisons d'état,ou parce qu'ils étoient féditieux, On l'a ainfi foutenu dans la Philosophie de 'Hiftoire ( a ),dans le Dictionnaire Philo fophique (b), dans les Esais sur l’Histoire générale ( c ),dans les Mélanges de Littérature,d'Hiftoire et de Philosophie,in- 8° . chap. 62,dans le Dîner du Comte de Boulainvilliers,page 35,mais fur-tout dans le Traité sur la Tolérance ( d ) ; on a même ofé y donner un démenti formel à Tacite et à Suétone ( e ) : voilà comme on traite l’Histoire en Philosophe. On nous dit que le Gouvernement Romain s'apperçut trop tard des progrès d'une asociation méprifée (f) : point du tout. Il s'en apperçut dès le moment qu'elle se forma ; il ne cesa de porter contr'elle les Edits les plus févères,et de lui faire fentir tout le poids de son autorité : Tacite vient de nous l'apprendre. Il n’est pas plus vrai que les Empereurs et les Magistrats ayent pris de l'ombrage contrede Christianisme ,parce que les Chré tiens,devenus nombreux,oferent braver les Dieux du Paganifmejufques dans leurs Temples. La fauseté de cette prétendue cause des perfécutions que nos Philosophes ont imaginée,est aisée à démontrer. 1º. Par le témoignage des deux Historiens que nous venons de citer,où l'on voit que la vraie cause de la haine que l'on avoit jurée aux Chrétiens,étoit leur Religion. Nous examinerons dans le chap. 6,§. 19,ce qu'on oppofe à cette preuve. 2. Par la lettre de Pline à Trajan,et par la réponse de cet Empereur ( a). Pline déclare » qu'il ne fçait sur quoi tombe l'in » formation que l'on fait contre les Chré »tiens,si c'est le nom feul que l'on punit >en eux,ou les crimes attachés à ce nom; qu'il a envoyé au fupplice tous ceux qui »ont avoué qu'ils étoient Chrétiens et qui »ont perfifté: qu'il a tâché d'arracher la »vérité par la force des tourmens,à des silles que l'on difoit être employées au miniftere de leur culte ; qu'il n'a décou- > vert qu'une fupestition outrée ; que ceux » même qui ont renoncé à cette Religion,» ont asuré qu'en l'embrasant,ils ne s'étoient engagés par ferment à commettre aucun crime ; mais au contraire,à éviter toutes sortes de crimes «. Malgré une apologie ausi complette,l'Empereur répond ; » Qu'il ne faut point faire de perquifition des Chrétiens ; mais que s'ils sont accufés et convaincus,il faut les punir ; que si l'accufé nie qu'il foit Chrétien,et s'il invoque les Dieux,il faut pardonner à son repentir «. C'est donc un fait avéré par le témoignage des perfécuteurs mêmes,que les Chrétiens étoient livrés aux fupplices,non pourleurs crimes, ou pour avoir troublé l'ordre public,mais pour leur Religion feule,et qu'en y renon çant ils pouvoient éviter la mort. 09 3°, Par les Edits des Empereurs portés contre les Chrétiens. Ces Edits ne leur reprochent ni révolte,ni fédition,ni attentat contre le culte public de l'Empire ; la feule raison qui les fait profcrire et condamner,est leur refus d'adorer les Dieux ( a).

4°. Par les refcrits des Princes qui ont fait ceser de temps en temps les perfécu tions,d'Antonin-le- Pieux,de Marc-Au rele,d'Alexandre- Severe ; ils accordent aux Chrétiens,non pas la liberté de troubler l'ordre public ou l'impunité de leurs féditions,mais la permision de suivre en paix leur Religion ( a ) ; et les Chrétiens ne demandoient rien de plus. 5°. Par les reproches des plus furieux ennemis du Christianisme ,de Celse,de Julien,de Libanius : ils ne difent point que les Chrétiens ont été mis à mort pour avoir infulté les Payens,pour avoir manqué de sidélité aux Empereurs,mais pour leur Religion. Libanius loue Julien d'avoir recon nu l'inutilité des cruautés que l'on avoit exercées fous les regnes précédens contre les Chrétiens,pour les obliger à changer de Religion (b). Nos adversaires ne peuvent ignorer ces monumens qui confirment le récit de tous les Ecrivains Eccléfiaftiques : de quel front peuvent-ils les contredire dans tous leurs Livres ; asurer hardiment qu'on ne trouve aucun Edit qui condamne à la mort uniquement pour faire profesion du Christianisme (a )? Nous reviendrons encore à ce point,chap. 6,§. 18 et fuiv. parce que c'est un de ceux que nos Critiques ont traité avec plus de mauvaise foi.

La force de la vérité leur arrache de temps entemps des aveux dont nous devons leur fçavoir gré. Les fupplices des Chrétiens,dit l'Auteur du Christianisme  dévoilé, intéreserent en leurfaveur : la perfécution ne sit qu'augmenter le nombre de leurs amis ; enfin leur conftance dans les tourmens parut furnaturelle et divine à ceux qui en furent les témoins. L'enthousiasme se communiqua,et la tyrannie ne fervit qu'à procurer de nouveaux défenfeurs à la Secte qu'on vouloit étouser (b). Quand nous répétons à nos adversaires le mot de Tertul lien,que le fang des Martyrs a été unesemence de nouveaux Chrétiens ; ils rejettent cette expresion comme une idée de décla→ mateur ; heureusement la voilà confirmée par leur propre témoignage. Ce même Critique ne voit cependant rien de merveilleux dans les progrès du Christianisme . Il fut la Religion du pauvre et des ignorans ; ses idées lugubres dûrent plaire aux malheureux; les premiers Chrétiens demeurerent unis,parce qu'ils étoient opprimés ; ils fousrirent patiemment,parce qu'ils ne pouvoient pas se défendre ; leur conftance fut invincible,parce que la ty rannie et la perfécution irritent l'espritet le rendent indomptable : voilà tout le prodige (a). Examinons- en les circonftances voyons si ce phénomene est naturel. et Le Christianisme  fut la Religion du pauvre ; mais il fut embrasé par ceux des riches qui eurent asez d'humanité pour vou loir partager leur bien avec les pauvres. It fut prêché par des ignorans,et ces hommes,sans lettres,sirent briller aux yeux du monde une sagese fupérieure à celle des Philosophes ; ils communiquerent à tous les hommes la connoisance de Dieu que les Sages du Paganisme avoient réservée pour eux feuls ; et ceux-ci confentirent enfin à les prendre pour maîtres ; bientôt il se forma dans Alexandrie une école de Philosophes Chrétiens. Cette Religion confola les malheureux,caractere le plus propre à nous faire fentir qu'elle est un présent du Ciel,et le bienfait le plus nécesaire aux hommes ; bien disérente des hypothèses monftrueuses qu'on veut lui fubftituer,et qui ne pourroient servir qu'à désespérer les trois quarts du genre humain. Elle sit regner la concorde,la paix,la charité parmi les hommes : si elle étoit suivie aujourd'hui comme elle le fut pour lors,le bonheur renaîtroit sur la terre. Elle leur infpira la patience,non par foiblese,mais par vertu ; les Chrétiens devenus innombrables,et en état de faire trembler l'Empire fous Dioclétien, se laiserent égorger ausi tranquillement que fous Néron. Non - feulement leur courage dans les tourmens fut invincible,mais il convertit souvent les tyrans etles bourreaux. La perfécution peut irriter ceux qui en sont les victimes,mais elle ne fut jamais propre à inspirer à personne l'envie de s'y expofer. Ainfi nos adversaires sont eux - mêmes l'apologie de notre Religion ; la vertu est le feul artifice dont elle s’est fervie pour féduire les ames honnêtes ; en connoît - on quelqu'autre qui se foit établie par les mêmes moyens ?

 

§. 16. Las persecuciones sirvieron para ampliarlo, 174

Le même Auteur,toujours sidéle à nous servir,contre son intention,prend encore la peine de réfuter ceux qui prétendent que le Christianisme est redevable de son établissement aux loix et à la violence des Empereurs Chrétiens. Les Empereurs Romains,dit-il,devenus Chrétiens eux-mêmes,c'est-à-dire,entraînés par un torrent devenu général,qui les força de se servir des fecours d'une Secte puisante,sirent monter la Religion sur le trône. Le torrent étoit devenu général ; le Christianisme n'étoit plus alors la Religion des pauvres,des efclaves,des ignorans ; elle avoit entraîné les riches,les sçavans,ettous les ordres de l'Etat enfin sans changer d'esprit ni de conduite,elle força les Empereurs de la faire monter sur le trône ; sans doute il n'y a rien encore là de merveilleux. Les Empereurs,devenus Chrétiens ; fentirent tout le prix d'une Religion qui rendoit leurs fujets plus sidéles ; ils ouvrirent les yeux sur les folies et les abomina tions du Paganisme ; ils regarderent de mauvais ail ceux qui y resterent attachés ; peuà-peu ils en vinrent jufqu'à en interdire l'exercice; il sinit par être défendu fous peine de mort. Voilà ce que notre sage Politique ne peut pardonner. On perfécuta sans ménagement,dit-il,ceux qui s'en tinrent au culte de leurs peres. Maispuifque la persécution irrite les esprits et rend l'homme indomptable,elle auroit1 dû faire sur les Payens,le même eset qu'elle avoit produit sur les Chrétiens ; les attacher plus sortement à leur Religion,faire des Martyrs et opérer des converfions. On ne fçait par quelle fatalité il en arriva autrement. Les fupplices n'avoient fervi qu'à procurer de nouveaux défenfeurs au Christianisme  qu'on vouloit étouser ; des loix et des menaces fusirent pour anéantir le Paganisme : et l'on ne veut pas qu'il yait rien là de merveilleux !

 

§. 17. Los Emperadores se vieron obligados a permitirlo, 178 176

Il est faux que les Chrétiens ayent rendu alors aux Payens,avec ufure,les maux qu'ils en avoient reçus,comme nos Cri→ tiques les en accusent ( a ). L'Empire Romainfut rempli de féditio ; mais il est faux qu'elles ayent été caufées par le zèle esréné des Souverains,et de ces Prêtres pacifiques,qui peu auparavant ne vouloient quela douceur et l'indulgence : les Auteurs,même Payens,n'ont jamais avancé cette calomnie. Ces féditions furent caufées par des brouilleries d'Etat,par les divers partis des prétendans à l'Empire : et voilà le fophifme éternel de nos adversaires. Quand le Christianisme  fut établi,il y eut des féditions ; donc il en fut la caufe : on vit naître des guerres cruelles,des profcriptions,des meurtres ; donc la Religion en fut la fource : il y eut des fcélérats ; donc c'étoit des Chrétiens.N'enavoit-on point vuavant eux? Les guerres de Conftantin et de Licinius contre Maxence,contre Maximien Hercule,contre Dioclétien,avoient multiplié les factions,nourri les haines,irrité les esprits. Dioclétien,victorieux,avoit défolé l'Egypte par des profcriptions et par des meurtres (a) ; Maximien n'avoit pas été moins cruel. Conftantin et Licinius accufoient Dioclétien d'avoir favorifé Maxence ( b ). Est-il  étonnant que quand le parti des deux premiers eut écrafé tous les autres,Licinius,naturellement féroce,ait févi contre la famille de ses compétiteurs,ait fait égorger leurs femmes et leurs ensans,se foit vengé des Magistrats qui avoient exécuté leurs ordres fanguinaires? L'Auteur du Livre de la Mort des Perfécuteurs accuse formellement Licinius d'avoir fait masacrer les veuves et les ensans de Maximin et de Galerius,d'avoir fait jetter les corps des deux Impératrices,l'un dans la Mer,l'autre dans l'Oronte ( a ) ; et cet Auteur n’est contredit par aucun des Historiens Payens (b ). Aujourd'hui nos judicieux Philosophes mettent sur le compte des Chrétiens ces horreurs,dont leur plus mortel ennemi s’est rendu coupable. Sous les regnes précédens on avoit vu les mêmes masacres ; les Chrétiens,livrés alors à la fureur des bourreaux,en étoient- ils les auteurs ? Ils ont fousert pendant trois siécles tous les excès de la barbarie Romaine, et on veut à préfent les en rendre responsables.

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